Changer de pays, quelle qu’en soit la raison, implique généralement de changer de culture. Les personnes immigrantes sont alors confrontées à la difficulté de concilier l’héritage de leur culture d’origine au besoin de se conformer à la culture d’accueil. Ce processus d’adaptation est appelé « acculturation ». Les difficultés qui y sont liées impactent la qualité de vie des personnes immigrées, mais aussi la manière avec laquelle elles sont reçues par la majorité d’accueil (discrimination, etc.).
Dans ce contexte, le travail joue un rôle important, puisque c’est un espace de socialisation de premier ordre. Ainsi, l’entreprise a une influence sur la bonne acculturation des personnes immigrées qu’elle embauche et elle a tout intérêt à ce que les choses se passent au mieux !
En effet, la bonne adaptation de ses collaborateurs et collaboratrices permettra par exemple d’éviter les conflits, de restreindre les discriminations ou encore d’améliorer la performance et l’innovation, grâce à la diversité qu’ils et elles amènent. Mais avant d’en arriver là, faisons le point sur le phénomène d’acculturation.
4 stratégies d’acculturation – la matrice de Berry
Depuis les années 70 [1], le sociopsychologue John W. Berry a largement contribué à mieux comprendre comment les populations immigrées s’adaptent à leur culture d’accueil. Il a proposé que chaque personne dans cette situation est tiraillée par deux questions : Dois-je conserver mon héritage culturel ? Dois-je échanger avec la culture majoritaire ?
En fonction des réponses apportées à ceux questions, il est possible de construire une matrice. Elle permet de figurer 4 grandes stratégies d’acculturation [2].
Assimilation. Cette stratégie concerne le cas où nous préférons adopter pleinement la culture majoritaire, en délaissant notre culture d’origine. La majorité incite généralement les minorités à adopter cette orientation [3]. C’est notamment le cas en France avec le modèle républicain d’intégration [4].
Séparation. A l’inverse, lorsque nous cherchons à conserver notre héritage et, pour ce faire, à éviter autant que possible l’influence de la culture majoritaire, on parlera de séparation. Cette stratégie peut être adoptée d’emblée par la minorité ou l’être en réaction à une politique de ségrégation de la majorité [2].
Intégration. Chercher à la fois à conserver notre héritage culture et à s’impliquer dans la culture dominante est associé à la stratégie d’intégration. Elle est généralement liée à l’idéologie du multiculturalisme [2] et appréciée des minorités qui y voient un bon compromis entre leurs deux identités [4].
Marginalisation. Cette stratégie est adoptée quand, ni le maintien de l’héritage, ni l’implication dans la société d’accueil n’est pertinente. Ceci découle généralement d’une incitation à abandonner sa culture d’origine, alors que dans le même temps la société reste réfractaire à l’inclusion [2].
Bien sûr, ces stratégies ne doivent pas être vues de manière totalement cloisonnée. Les deux questions qui permettent de former la matrice sont des continuums. Par exemple, une personne peut adopter une stratégie située entre l’intégration et la séparation. Une personne peut également adopter des stratégies différentes en fonction du contexte [5] : par exemple, l’assimilation au travail et la séparation dans la sphère privée.
Le cadre de l’entreprise et ses contraintes
Le cadre de l’entreprise est particulier, car il suppose un besoin de performance et de rentabilité. Pour son bon fonctionnement l’entreprise à tout intérêt à ce que ses membres avancent ensemble, dans la même direction. Ceci suppose qu’ils adhèrent tous à sa culture organisationnelle et donc à pousser plutôt à l’assimilation.
Sur cette idée, une étude espagnole portant sur les immigrants africains [5] a montré que ces derniers adoptaient une stratégie d’assimilation au travail, alors qu’ils s’orientaient plutôt vers la séparation ou l’intégration dans les autres aspects de leur vie (relations sociales et familiales, religion, etc.).
Pourtant, inciter à l’assimilation n’est pas un choix idéal. Tout d’abord, en feignant de pas voir les spécificités des collaboratrices et des collaborateurs immigré∙e∙s, l’entreprise peut créer un sentiment d’exclusion chez ces personnes [6] (voir notre précédent article sur les limites du colorblind). Ceci est délétère pour leur qualité de vie au travail, mais aussi pour leur engagement.
Le travail est un facteur important pour l’adaptation des personnes immigrées. Si l’entreprise joue un rôle dans le processus d’acculturation, elle a tout intérêt à y prêter attention. Par ses actions, elle peut soutenir ces minorités, mais aussi profiter de la richesse de la diversité qu’elles amènent.
Ainsi, pour permettre à ses nouveaux membres de s’accoutumer plus facilement à leur environnement de travail, l’entreprise peut les accompagner dans l’apprentissage de sa culture organisationnelle. Dans le même temps, si elle leur permet et les incite à s’exprimer librement, elle pourra s’enrichir de leur divergence.
Sources
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Berry, J. W. (2005). Acculturation: Living successfully in two cultures. International journal of intercultural relations, 29(6), 697-712.
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Kamiejski, R., Guimond, S., De Oliveira, P., Er-rafiy, A. & Brauer, M. (2012). Le modèle républicain d’intégration : implications pour la psychologie des relations entre groupes. L’Année psychologique, vol. 112(1), 49-83. doi: 10.4074/S0003503312001030
Luque, M. N., Fernández, M. D. C. G., & Tejada, A. J. R. (2006). Acculturation strategies and attitudes of African immigrants in the south of Spain: Between reality and hope. Cross-Cultural Research, 40(4), 331–351. doi: 10.1177/1069397105283405
Markus, H. R., Steele, C. M., & Steele, D. M. (2000). Colorblindness as a barrier to inclusion: Assimilation and non-immigrant minorities. Daedalus, 129, 233-259
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Parrotta, P., Pozzoli, D., & Pytlikova, M. (2014). The Nexus between Labor Diversity and Firm ’ s Innovation. Journal of Population Economics, 27(6972), 303–364. doi : 10.1007/s00148-013-0491-7
Salloum, C., Jabbour, G., & Mercier-Suissa, C. (2019). Democracy across Gender Diversity and Ethnicity of Middle Eastern SMEs: How Does Performance Differ? Journal of Small Business Management, 57(1), 255–267. doi: 10.1111/jsbm.12336
Article initialement publié sur LaborAgora.com en octobre 2020. Image de couverture : nappy
La discrimination est un fléau parce qu’elle porte atteinte à nos droits humains. Mais ses conséquences néfastes, vont au-delà de ces seuls principes moraux.
Elle nous empêche de profiter pleinement de la richesse de notre diversité, dans la société et dans les entreprises. Mais elle ronge aussi la santé physique et psychique des personnes discriminées1 (et pas seulement elles, comme nous le verrons).
Même en mettant de côté l’importance éthique de les protéger et en adoptant un point de vue purement pragmatique, l’impact de la discrimination sur la santé des collaborateur.rice.s a des conséquences néfastes sur l’entreprise : baisse d’engagement, de productivité, augmentation des accidents de travail et des arrêts maladies, etc.
Quels impacts de la discrimination sur la santé ?
En 2015, une méta-analyse de 293 études scientifiques2 a montré que la discrimination a de multiples conséquences négatives sur la santé physiologique et psychologique des personnes victimes de racisme.
Parmi ces conséquences, on compte :
Des atteintes du système cardiovasculaire3
Un indice de masse corporelle et des taux d’obésité plus élevés4
De l’hypertension5
Des comportements à risque plus fréquents6
Une plus grande consommation d’alcool7
Des troubles du sommeil8
La dépression9
La discrimination génère un stress sur l’organisme et fait apparaître des signes précliniques. Ceux-ci rendent les personnes concernées plus vulnérables aux maladies. En 2015, une équipe de recherche10 a recensé les signes suivants : augmentation de la charge allostatique (accumulation de stress), inflammation, télomères plus courts (vieillissement plus rapide), calcification des artères coronaires, dérégulation de la production de cortisol et plus grand stress oxydant.
Une menace trop réelle : l’anticipation de la discrimination
L’impact négatif de la discrimination sur la santé va plus loin. Subir régulièrement la discrimination incite ses victimes à l’intérioriser. En conséquence, ces personnes montrent de l’appréhension devant les situations où la discrimination pourrait resurgir. Elles deviennent plus vigilantes, plus inquiètes et endurent en permanence un stress d’anticipation. Ce dernier accentue et prolonge les effets négatifs de la discrimination sur la santé11.
Cette appréhension devant la discrimination est associée à ses propres effets négatifs sur la santé physique et psychique :
Détérioration de l’élasticité des artères12
Symptômes dépressifs13
Troubles du sommeil14
Hypertension15
Cette atteinte à la bonne santé des personnes semble principalement découler du stress qui lui-même nait des discriminations subites et anticipées. L’altération de la santé augmente avec la quantité de stress. Ce rôle central du stress persiste même en prenant en compte les disparités socio-économiques entre les personnes issues de minorités ou de majorités16.
Voir la discrimination et en souffrir : la discrimination indirecte
Mais le problème va encore plus loin. Apprendre que des personnes de notre communauté subissent de la discrimination a également un impact sur notre santé17. Ainsi, voir par exemple George Floyd mourir a des répercussions sur la santé de toute la communauté noire-américaine, et noire en générale.
En 2018, une revue de la littérature scientifique sur le sujet18 met en avant cette atteinte par procuration chez les enfants. Lorsque leurs parents subissent de la discrimination, ces enfants voient leur développement physique et mental perturbé. A cela s’ajoutent des conséquences en termes d’anxiété, de symptômes dépressifs, de consommation de substances dangereuses, d’estime de soi, etc.
De même, une étude quasi-expérimentale étatsunienne19 a montré que l’exposition à des homicides d’afro-américains non-armés (à la télévision, sur internet, …) induit une baisse de la santé mentale chez les participants afro-américains. Cet effet grimpait durant les deux premiers mois après l’exposition.
Conclusion
Lutter contre la discrimination au travail contribue à la protection de la santé physiologique et psychologique des collaborateurs et des collaboratrices appartenant à des minorités. Ainsi, en plus de son importance éthique et moral, intervenir contre la discrimination limite les baisses de performances causées par un environnement de travail malveillant et stressant.
A l’inverse, un environnement de travail favorable à la diversité étouffe les discriminations et privilégie la tolérance. Ce faisant, il réduit ce stress, protège les personnes et libère le potentiel de la diversité pour la performance et l’innovation.
Références
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De nombreuses équipes de recherche se sont intéressées à comprendre et à quantifier les différences interculturelles. Aujourd’hui, je vous propose de (re)découvrir quatre ensembles de travaux parmi les plus emblématiques de ce champ de recherche : ceux de Geert Hofstede, de Harry Triandis, de Ronald Inglehart et de Shalom Schwartz.
Leurs modèles, et notamment celui de Hofstede, font référence dans le monde organisationnel et sont de puissants outils pour comprendre les différences entre cultures. Pourtant, ils peuvent avoir des conséquences dramatiques s’ils sont mal compris ou mal utilisés par ceux et celles qui travaillent dans un contexte multiculturel. Redécouvrons ces modèles, avant de se demander pourquoi et quand les oublier.
Les six dimensions de Hofstede
La première étude de Hofstede, en 19801, est conduite auprès des employés d’IBM et à travers une cinquantaine de pays. Le psychologue en tire quatre dimensions pour expliquer les différences interculturelles. Des travaux ultérieurs en ajouteront deux de plus (orientation à long/court terme ; indulgence/restriction)2.
Individualisme ↔ collectivisme : Cette dimension correspond aux relations entretenus par les individus avec la société. Les sociétés individualistes s’orientent autour des individus. Les sociétés collectivistes valorisent plutôt le temps passé pour le groupe.
Distance hiérarchique (élevée ↔basse) : Cette dimension correspond à la perception des inégalités de pouvoir et à leur acceptation.
Contrôle de l’incertitude (fort ↔faible) : Cette dimension reflète le degré de contrôle que les sociétés exercent pour gérer l’incertitude liée à leur avenir.
Masculinité ↔féminité : Cette dimension reflète la division des rôles hommes/femmes. Les sociétés « masculines » privilégient l’affirmation de soi et l’acquisition matérielle. Les société « féminines » favorisent les relations sociales et la qualité de vie.
Orientation à long ↔court terme : Cette dimension correspond à la concentration des efforts de la société sur la gestion du futur immédiat ou la préparation d’un futur plus lointain.
Indulgence ↔restriction : Cette dimension reflète la gestion du plaisir humain, dont la satisfaction peut être restreinte ou profiter d’une certaine tolérance.
Ce modèle connait un grand succès, surtout dans le monde organisationnel, qu’il doit certainement au soutien d’IBM, mais aussi à sa grande accessibilité. Le site Hofstede Insight permet d’ailleurs de comparer facilement et visuellement les pays du monde, rendant les données de Hofstede utilisables par le plus grand nombre.
Malgré ses qualités, le modèle est critiqué depuis de nombreuses années au sein de la communauté scientifique3,4 et montre des faiblesses quant à sa validité et sa fiabilité5. Un double article est disponible sur LaborAgora pour détailler les limites méthodologiques et les limites idéologiques faites au travail de Hofstede.
L’individualisme et le collectivisme de Triandis
Parmi les critiques les plus connues du modèle de Hofstede, figure celle de Harry Triandis. Le chercheur considère que l’individualisme et le collectivisme ne sont pas les deux pôles d’un même continuum. Selon lui, le collectivisme et l’individualisme sont des concepts plus larges, qu’il décrit comme des « syndromes culturels », c’est-à-dire tout un ensemble d’éléments partagés au sein d’un groupe social6. Il existerait alors plusieurs types de collectivismes et d’individualismes.
Notamment, Triandis propose de les distinguer selon qu’ils sont verticaux, c’est-à-dire qu’ils mettent l’accent sur la hiérarchie, ou horizontaux, c’est-à-dire qu’ils mettent l’accent sur l’égalité. En 1998, Harry Triandis et Michele Gelffand propose quatre grands syndromes culturels7, comme présenté sur la figure A.
Les cartes culturelles de Inglehart et collaborateurs
Dès 1981, Ronald Inglehart et Christian Welzel propose la World Value Survey (WVS), un outil de mesure des valeurs culturelles. Celui-ci sera utilisé dans de très nombreux pays, sur tous les continents et jusqu’à nos jours à travers plusieurs études8, 9.
Les chercheurs ont proposé deux dimensions : Survie ↔ Expression individuelle, Tradition ↔ Laïcité-Rationalité. Elles se croisent et permettent ainsi de former un espace bidimensionnel sur lequel les différents pays du monde peuvent être placés en fonction de leurs scores, comme sur la figure B. Ceci permet de construire des cartes culturelles du monde qui changent en fonction des époques et illustrent l’évolution culturelle du monde à travers le temps (voir vidéo ci-dessous).
Voici comment les auteurs décrivent ces dimensions8 :
Survie ↔ Expression individuelle : Du côté de la « survie », l’accent est mis sur la sécurité économique et physique. Ces cultures ressentent de l’insécurité devant la nouveauté et le changement. Du côté « expression individuelle », l’accent est plutôt mis sur le bien-être et la qualité de vie. La sécurité est considérée comme un acquis. Les différences et le changement sont acceptés.
Tradition ↔ Laïcité et Rationalité : Pour les cultures « traditionnelles », la religion, la famille et l’autorité sont importantes. Pour les cultures « laïques-rationnelles », ces éléments sont peu importants.
Le principal avantage de ce modèle est sa grande simplicité et sa capacité à figurer l’évolution culturelle du monde. Il considère de fait que les cultures sont dynamiques, une vision proche de celles de Schwartz ou Triandis7, 10, 12. Mais, l’approche de la WVS est assez critiquable d’un point de vue idéologique. Elle laisse à voir une vision assez occidentale du monde, suggérant que les pays sont d’autant plus « développés » que leurs scores sont proches des pôles « expression individuelle » et « laïcité-rationalité ».
La théorie des valeurs universelles de Schwartz
Quelques années après Hofstede, Schwartz propose de nouvelles dimensions pour exprimer les différences interculturelles10. Ses recherches pallient à plusieurs limitations des premiers travaux de Hofstede : sa focalisation sur les seuls employés d’IBM, la non-exhaustivité des quatre premières dimensions, le nombre de pays restreint (ni Chine, ni pays soviétiques dans l’étude initiale de Hofstede) et plusieurs faiblesses méthodologiques3.
Schwartz a cherché à identifier des valeurs universelles. Il s’agit de valeurs partagées par toutes les cultures du monde, mais dont l’importance varie d’une culture à l’autre. Le chercheur considère que ces valeurs incarnent les buts désirables pour la survie et l’épanouissement du groupe. Elles aident à la communication et à la coordination des actions du groupe pour les atteindre.
Le psychologue a une approche dynamique des valeurs culturelles. Pour lui, elles sont liées les unes aux autres : les objectifs qui leurs correspondent s’accordent plus ou moins. Par exemple, chercher la nouveauté peut s’opposer à protéger la tradition. Mais protéger la tradition est en accord avec la recherche de conformité. Ainsi, les 10 valeurs peuvent être placées sur une sorte de disque en fonction de leur degré de proximité, comme présenté sur la figure C ci-dessous. Cette structure circulaire est appuyée par de nombreuses études utilisant différents outils de mesure11.
En 1992, Schwartz propose 11 valeurs universelles10 : Autonomie, Stimulation, Hédonisme, Réussite, Pouvoir, Sécurité, Conformité, Tradition, Bienveillance, Universalisme et Spiritualité. Cette dernière valeur sera retirée à la suite de travaux ultérieurs, car trop variable d’une culture à l’autre, ramenant le compte à 10 valeurs universelles.
Cette version du modèle à 10 valeurs est la plus connue. Mais en 2012, Schwartz et son équipe ont proposé une version plus complète, comportant 19 valeurs12, comme présentée sur la figure D. Voici le détail des 19 valeurs. Chacune d’elles est définie par l’objectif vers lequel elle est orienté, c’est-à-dire le but qu’elle nous pousse à atteindre.
Autonomie – intention : Liberté de maintenir nos propres idées et capacités
Autonomie – action : Liberté de choisir nos propres actions
Stimulation : Enthousiasme, nouveauté et changement
Hédonisme : Plaisir et gratification sensuelle
Réussite : Succès (selon les standards sociaux en vigueur dans le groupe)
Pouvoir – domination : Pouvoir par le contrôle des autres
Pouvoir – ressources : Pouvoir par le contrôle des ressources matérielles et sociales
Face : Maintien de notre image public et évitement de l’humiliation
Sécurité – personnelle : Sureté dans notre environnement immédiat
Sécurité – sociétale : Sureté et stabilité dans la société en général
Tradition : Maintien et préservation des traditions culturelles, familiales ou religieuses
Conformité – règles : Respect des règles, des lois et des obligations formelles
Conformité – interpersonnelle : Evitement du préjudice à l’encontre des autres
Humilité : Reconnaissance de notre insignifiance à l’échelle du monde
Bienveillance – fiabilité : Etre un membre fiable et de confiance pour notre groupe
Bienveillance – attention : Dévotion envers la prospérité des membres de notre groupe
Universalisme – considération : Engagement pour l’égalité, la justice et la protection de tou.te.s
Universalisme – nature : Préservation de l’environnement naturel
Universalisme – tolérance : Acception et compréhension des personnes qui nous sont différentes
Pour organiser ces valeurs, l’équipe de scientifiques propose d’ajouter des axes sur le disque. Ils aident à donner du sens et à mettre en lumière les relations qu’entretiennent les valeurs entre elles. La version initiale du modèle comporte deux axes croisés : affirmation ↔ dépassement de soi et continuité ↔ ouverture au changement. Deux autres axes indépendants des premiers seront proposés en 2012 : orientation vers le monde social (focus social) ↔ vers soi (focus personnel) et motivation à la protection de soi ↔ à la recherche de croissance.
La théorie de Schwartz est certainement la plus complexe, mais aussi la plus riche. Elle s’est souvent montrée supérieure aux autres théories et modèles présentées ici. Par exemple, selon une étude internationale13, elle est davantage capable d’expliquer des comportements de consommation que les modèles de Hofsede ou Inglehart. De même une étude australienne14 a montré qu’elle était supérieure à la théorie de Hofstede pour expliquer les relations commerciales entre pays. Notons que sur certains points, ces deux approches se recoupent et sont parfois considérées comme complémentaires15.
Pourquoi et quand oublier ces modèles ?
Les approches en termes de valeurs culturelles sont très importantes pour comprendre les cultures, mais elles le sont moins pour comprendre les personnes.
En effet, nous sommes tous influencés par notre culture. Mais nous ne sommes pas la culture elle-même. Nos valeurs personnelles peuvent être très différentes des valeurs de notre culture, même s’il est indéniable que les deuxièmes ont influencé les premières.
A ce propos, une étude israélienne16 a montré qu’il existait plus de différences entre les individus qu’entre les pays (si vous voulez en savoir plus, lisez notre article : Diversité culturelle, existe-t-elle vraiment ?). Ainsi, il n’est pas possible de déterminer précisément les valeurs d’une personne en se basant seulement sur les valeurs associées à sa culture d’origine. Chacun et chacune d’entre nous est influencé-e différemment par sa culture d’origine. Pour bien comprendre cela, faisons une analogie avec les chefs d’état. Tous les citoyens d’un pays ont le même chef d’état, mais les opinions de ce dernier ne sont pas partagées par tous les citoyens.
Ainsi, lorsque nous rencontrons une personne étrangère, il est important de garder en tête qu’elle est une représentante unique de sa culture et que ses valeurs personnelles peuvent être très différentes de celles associées à sa culture d’origine.
Ne pas prendre en compte l’unicité de la personne ouvre aux préjugés et aux stéréotypes. Cela peut amener des mécompréhensions, des conflits, de la discrimination, etc. Et c’est nous qui en serons la cause, parce que nous ne nous sommes pas ouverts à la compréhension de la complexité de l’autre et que nous lui avons attribué des caractéristiques issus d’idées préconçues. Je vous conseille cette conférence de Chimanda Adichie qui détaille très bien cette idée.
Conclusion
Les travaux scientifiques sur les valeurs culturelles sont d’une grande importance pour saisir toute la complexité des cultures du monde. Mais les modèles qu’ils ont fait naître sont plus adaptés à la compréhension de grands groupes culturels, plutôt que d’individus isolés.
Comme chaque personne est influencée différemment par sa culture, il est important de comprendre les autres dans leurs unicités et ne pas faire l’erreur de leur attribuer des caractéristiques héritées d’une idée préconçues et globale. Reconnaitre à la fois la différence et l’unicité de l’autre, c’est s’ouvrir à des échanges fructueux.
Références
Hofstede, G. (1980). Culture’s consequences: International differences in work-related values. Beverly Hills, CA: Sage
Cette phrase, nous pourrions tou·te·s la dire régulièrement. La discrimination n’est pas seulement l’affaire de quelques xénophobes, homophobes, etc. C’est notre affaire à tou·te·s, car nous discriminons quotidiennement, sans nous en rendre compte.
Aujourd’hui, je vous propose de prendre conscience de ce phénomène, grâce à deux études scientifiques. La première1 est une expérience en laboratoire, tandis que la deuxième2 fait directement écho à notre vie quotidienne.
Discriminer, est-ce normal ?
La première étude1 est un classique de la psychologie sociale. Elle utilise des groupes minimaux, c’est-à-dire des groupes créés de toutes pièces pour l’expérience, sur des critères arbitraires.
Déroulement
(1) Les participant.e.s de l’expérience donnent leur avis sur des tableaux de Paul Klee et de Vassily Kandinsky. Les participant.e.s sont ensuite répartis en deux groupes : ceux et celles qui préfèrent Klee, et ceux et celles qui préfèrent Kandinsky.
En réalité, la répartition est totalement aléatoire. Cette
phase sert juste à justifier l’existence de groupes distincts.
(2) Ensuite, chaque participant.e doit répartir des récompenses à l’aide d’une matrice, comme celle présentée ci-dessous. En choisissant une valeur pour son groupe, chaque participant.e choisie automatiquement la valeur que gagnera l’autre groupe.
Résultats
Les participant·e·s cherchent à favoriser autant que possible leur propre groupe par rapport à l’autre groupe, même si cela suppose de ne pas avoir la récompense maximale pour soi.
Par exemple, nous tendons à préférer le choix A au choix B,
sur l’image ci-dessus. Avec le choix A, la différence est maximale, à notre
avantage (11 – 5 = 6). Pourtant, le choix B nous aurait octroyé une meilleure
récompense brute (23).
Cette expérience montre que la discrimination n’a pas besoin
de grand-chose pour apparaitre. Ici, les groupes sont totalement artificiels et
aléatoires. Pourtant, le simple fait de voir une différence entre
« nous » et « eux » suffit à faire émerger des
comportements discriminatoires.
Cette expérience a été menée de nombreuses fois, dans des conditions variées3. La vidéo ci-dessous présente un exemple avec des enfants.
Discriminer tous les jours
La deuxième étude2 sort du cadre du laboratoire pour s’intéresser à l’écriture de lettres (cela fonctionne aussi avec des e-mails). La manière avec laquelle nous nous adressons à notre destinataire dépend de l’identité de ce dernier.
Déroulement
Il est demandé aux participant.e.s de rédiger une lettre à
l’intention d’un destinataire. Le nom de ce dernier varie aléatoirement. Il est
à consonance « française », « juive »,
« africaine » ou « portugaise ».
L’équipe de recherche a ensuite analysé le texte des lettres
en profondeur, grâce à différents indicateurs langagiers.
Résultats
Des différences ont été remarquées dans la manière d’écrire
la lettre. La façon avec laquelle les participant.e.s se sont adressés au
destinataire « français » est plus positive qu’avec n’importe quel
autre destinataire. Les participant.e.s discriminaient leur interlocuteur sans
s’en rendre compte.
Les auteur.e.s vont plus loin en montrant que, même si les
trois autres destinataires était discriminés, ils ne l’étaient pas tous de la
même manière (le destinataire « juif » est rejeté, le destinataire
« africain » est différencié, le destinataire « portugais »
est rabaissé).
Ici, les participant.e.s sont des étudiant.e.s en sciences
humaines, une population pas franchement réputée pour ses opinions antisémites,
racistes ou xénophobes !
L’explication avancée par les chercheur.se.s est que nous
avons développé des routines sociales. Celles-ci guident nos interactions avec
les autres au quotidien. Mais, quand l’autre est différent de ceux et celles
avec qui nous avons l’habitude d’interagir, ces routines perdent leur sens.
Nous sommes alors contraint.e.s de réévaluer la situation pour lui donner une
réponse spécifique. Nous agissons alors différemment et souvent de manière
maladroite et discriminante.
Conclusion
Ces deux études montrent que la discrimination est ancrée en nous. Elle n’est pas la chasse gardée de personnes ouvertement racistes, sexistes, etc., et nous la développons dès notre plus jeune âge4. Nous avons tou·te·s tendance à agir de manière discriminante.
Ce constat peut paraitre bien pessimiste. Mais j’ai la conviction que prendre conscience du phénomène permet de mieux le contenir. Admettre que nous sommes limité.e.s et que nous pouvons discriminer malgré nos convictions est un premier pas pour mieux nous maîtriser et adopter des comportements davantage bienveillants et inclusifs.
Comprendre la discrimination c’est déjà lutter contre elle.
Références
Tajfel, H., Billig, M. G., Bundy, R. P., & Flament, C. (1971). Social categorization and intergroup behaviour. European Journal of Social Psychology, 1 (2), 149–178. doi : 10.1002/ejsp.2420010202
Castel, P., & Lacassagne, M. F. (1993). L’émergence du discours raciste: une rupture des routines. Revue internationale de Psychologie sociale, 6(1), 7-20.
Hewstone, M., Rubin, M., & Willis, H. (2002). Intergroup bias. Annual review of psychology, 53(1), 575-604.
Kelly, D. J., Quinn, P. C., Slater, A. M., Lee, K., Gibson, A., Smith, M., … & Pascalis, O. (2005). Three‐month‐olds, but not newborns, prefer own‐race faces. Developmental science, 8(6), F31-F36.
Si le télétravail fait souvent rêver, il concentre aussi une
forte appréhension à son égard. Quoiqu’il en soit, il fait débat !
Alors, est-il une aubaine et une solution d’avenir ou une fausse-bonne idée à fuir absolument ? Pour vous aider à choisir, voici quelques éclaircissements scientifiques.
Voyons ensemble les bons et les mauvais côtés du télétravail.
Pourquoi le télétravail est une bonne idée
Nos sociétés sont entièrement structurées autour du travail,
dans sa forme traditionnelle. En cela, le télétravail est un changement de
paradigme fort et ses conséquences ne concernent pas seulement les entreprises
et leurs employés mais aussi la société dans son ensemble, comme nous allons le
voir.
Le télétravail augmente la productivité
Le télétravail bénéficie à l’entreprise, notamment en augmentant la productivité de ses employés. Une étude américaine1 parlait de 10-40% d’augmentation ! Ce gain de productivité est particulièrement important pour les tâches complexes et notamment pour les tâches nécessitant de la créativité, comme le montre une étude autrichienne2.
Le télétravail augmente la flexibilité et la résilience
Cette amélioration de la productivité se fait également de
manière plus indirecte, en augmentant la flexibilité de l’entreprise et sa
résilience. Premièrement, le télétravail permet des horaires de travail
différents entre les employés. Ceci augmente la plage horaire couverte par
l’entreprise pour répondre à ses clients, particulièrement si les employés
travaillent dans des fuseaux horaires distincts. Deuxièmement, la dispersion
des salariés rend l’entreprise plus résiliente et moins sensible aux
intempéries (catastrophes naturelles, etc.) et aux imprévus (grèves, attentats,
etc.).
Le télétravail réduit les dépenses
De même, le télétravail contribue à l’optimisation du
fonctionnement de l’entreprise. Il réduit les coûts générés par les locaux
(loyer/impôts, chauffage, etc.), mais aussi les frais causés par le turnover des
salariés. En effet, les employées qui déménagent peuvent rester dans
l’entreprise et n’ont pas besoin d’être remplacés.
Le télétravail améliore la qualité de vie au travail
Concernant les employés, le télétravail améliore leur
qualité de vie au travail (QVT), selon plusieurs études. Il améliore le moral
et la motivation3. Il permet un meilleur contrôle de son travail
qui, à son tour, diminue les intentions de démissionner et permet un meilleur
équilibre vie professionnelle/personnelle4. D’un point de vue
purement pratique, les télétravailleur-se-s économisent aussi du temps, gagné
sur leurs trajets.
Le télétravail est écologique
L’intérêt du télétravail est aussi sociétal et peut être
intégré à une stratégie de responsabilité sociétale d’entreprise (RSE). En effet,
en évitant aux travailleurs d’avoir à se rendre sur leurs lieux de travail, le
télétravail désengorge le trafic urbain et contribue à réduire les émissions de
gaz à effet de serre. Il est donc écologique, comme le montre une équipe de
recherche britannique5.
Le télétravail facilite l’accès au travail
Le télétravail joue également un rôle essentiel dans
l’accessibilité. Il facilite le retour au travail des jeunes mères, comme le
montre une étude britannique6. Il améliore aussi l’accessibilité
pour les personnes en situation de handicap ou pour celles qu’une maladie
récente a fragilisées.
Pourquoi le télétravail est une mauvaise idée
Le télétravail a de nombreux avantages, mais comporte
également des inconvénients. Les comprendre est un premier pas pour les
contrer.
Le télétravail isole les employés
La conséquence négative la plus visible du télétravail est
l’isolement. La baisse des interactions avec nos collègues peut nous enserrer
dans un sentiment de solitude et nous désengager de notre travail. C’est ce que
montre une étude néerlandaise7, même si ses auteurs ajoutent qu’une
bonne communication permet de limiter ce phénomène.
Le télétravail a un impact négatif sur la santé mentale
D’autres études vont dans ce sens en mettant avant
l’apparition d’émotions négatives chez les télétravailleur-se-s, comme la
solitude, l’irritabilité ou la culpabilité. Ils et elles manifestent également
des symptômes propres au stress8. De même, le fait de travailler
chez soi met à mal le besoin de déconnection entre sa vie professionnelle et sa
vie personnelle. Cette situation favorise le surmenage et l’épuisement.
Le télétravail réduit la productivité
Enfin, nous vous disions plus haut que le télétravail
augmente la productivité. En réalité, ce gain est essentiellement valable pour
les tâches complexes. Pour les tâches répétitives, le télétravail a un effet
plus négatif2.
Conclusion
Comme vous avez pu vous en rendre compte, certains résultats
sont contradictoires. D’une part le télétravail améliore la qualité de vie au
travail et d’autre part il porte atteinte à la santé mentale. Il favorise la
productivité pour certains types de tâches et l’inhibe pour d’autres.
Il en résulte que le rôle du télétravail est plus complexe qu’il n’y parait. La présence à la fois d’avantages et d’inconvénients met en avant l’importance d’un bon management. Pour être utile et efficient, le télétravail doit être murement réfléchi, notamment concernant ses difficultés et les moyens que nous envisageons pour les surmonter.
Références
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Glenn Dutcher, E. (2012). The effects of telecommuting on productivity: An experimental examination. The role of dull and creative tasks. Journal of Economic Behavior & Organization, 84(1), 355–363.
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Kossek, E. E., Lautsch, B. A., & Eaton, S. C. (2006). Telecommuting, control, and boundary management: Correlates of policy use and practice, job control, and work–family effectiveness. Journal of Vocational Behavior, 68(2), 347-367.
Egbuta, I. C., Thomas, B., & Al-Hasan, S. (2017). The contribution of teleworking towards a green computing environment. In Nature-Inspired Computing: Concepts, Methodologies, Tools, and Applications (pp. 1723-1738). IGI Global.
Chung, H., & van der Horst, M. (2018). Women’s employment patterns after childbirth and the perceived access to and use of flexitime and teleworking. Human Relations, 71(1), 47–72.
De Vries, H., Tummers, L., & Bekkers, V. (2018). The Benefits of Teleworking in the Public Sector: Reality or Rhetoric? Review of Public Personnel Administration, 1(24),
Mann, S., & Holdsworth, L. (2003). The psychological impact of teleworking: stress, emotions and health. New Technology, Work and Employment, 18(3), 196-211.
Ce 27 mai 2019, l’Organisation Mondiale de la Santé a ajouté le burnout à sa classification internationale des maladies. C’est un pas supplémentaire vers la reconnaissance de ce mal qui gangrène la qualité de vie au travail.
Avant d’aller plus, précisons que, contrairement à ce que
beaucoup ont pu annoncer, le burnout n’est toujours pas reconnu comme une
maladie ! En réalité, il passe du statut de « facteur influençant
l’état de santé » à « phénomène lié au travail », mais il
n’intègre toujours pas la liste des maladies reconnues.
Mais, qu’à cela ne tienne ! Cette avancée est l’occasion pour nous de faire le point sur le burnout. Alors qu’est-ce que le burnout, quelles en sont les causes et les conséquences et comment s’en prémunir ?
Définition du burnout
Christina Maslach et Michael Leiter1, chercheuse
et chercheur en psychologie, définissent le burnout comme « un syndrome
psychologique émergeant comme une réponse prolongée à des stresseurs
interpersonnels chroniques sur le lieu de travail ». Autrement dit, le
burnout correspond à un épuisement (principalement émotionnel) lié à l’activité
professionnelle. Il comporte trois dimensions :
Le cynisme vis-à-vis du travail : dépersonnalisation, attitude négative, irritabilité, perte d’idéalisme, désengagement.
Le manque d’accomplissement personnel : sentiment d’inefficacité, baisse de productivité, moral faible, difficulté à faire face aux problèmes.
L’apparition de ces trois éléments s’échelonnent dans le temps. L’épuisement amène le cynisme, découlant à son tour sur une baisse du sentiment d’accomplissement. C’est une fois que les trois sont actifs que l’on parle de burnout.
Conséquences du burnout
L’ampleur nocive du burnout n’est pas anodine. Il peut avoir
de graves conséquences, tant sur le travail que sur la santé de la personne qui
le subit.
Concernant le travail, le burnout induit une baisse de la
satisfaction, de l’engagement, de la productivité et globalement de la qualité
de vie au travail.
Concernant la santé, le burnout est fortement lié au stress.
En cela, il peut porter atteinte à la santé physique de la personne, causant
des maux de tête, un état de fatigue chronique, des troubles gastriques, une
hypertension musculaire, des troubles du sommeil, etc2. Une étude
menée sur 10 ans a également montré que le burnout augmente le risque de
développer des maladies cardiovasculaires3.
Malheureusement, ses conséquences vont plus loin que cela.
En effet, le burnout peut être, d’une certaine manière, contagieux. Ses
victimes, par leur attitude négative et leur tendance au cynisme, peuvent
devenir toxiques pour leurs collègues. A cause de leurs symptômes, elles
peuvent générer des conflits et perturber le bon déroulement du travail. Ce
faisant, elles favorisent l’émergence du burnout chez leurs collègues, comme
l’a montré une étude néerlandaise4.
Mais d’où vient le burnout ? Quels facteurs favorise
son apparition ?
Causes du burnout
La conception et les besoins que nous avons concernant notre
travail peuvent s’éloigner de notre vécu professionnel réel. C’est cet écart
qui fait émerger le stress à l’origine du burnout.
Le modèle Six Areas of Worklife5 peut nous aider à mieux comprendre cela. Il propose que notre vie professionnelle est organisée autour de six composantes. L’écart travail-personne sur chacune d’elles peut devenir une source de stress et ouvrir au burnout. Voyons ces composantes en détails.
La charge de travail concerne le rapport entre la demande de notre travail et nos ressources physiques et psychologiques. Si la charge excède régulièrement nos capacités, sans nous laisser le temps de nous reposer, ni de nous ressourcer, elle crée un état de stress et d’épuisement.
Le contrôle correspond à la perception qu’il nous est possible d’influencer nos conditions de travail et au sentiment d’être autonome. Sans contrôle, nous nous sentons perdre pied et subissons nos conditions de travail dans un sentiment d’impuissance.
Les récompenses ne réfèrent pas seulement aux retours financiers auxquels notre travail nous permet de prétendre. Elles concernent aussi la reconnaissance sociale. Leur absence dévalue notre travail, autant que nous-même, et éveille en nous un sentiment d’inutilité.
La communauté concerne nos relations sociales au travail. L’apparition de conflits, le manque de confiance ou de soutien favorisent le burnout.
L’équité correspond à la perception d’une certaine justice sociale au travail, que la place de chacun est équitable et juste, et que nous sommes respectés à juste titre. Un manque ouvre au cynisme et à l’aigreur.
Les valeurs s’incarnent dans nos attentes et nos objectifs à l’égard de notre travail, ainsi que dans nos idéaux. Si l’écart entre nos valeurs et celles de l’organisation qui nous emploie est trop grand, nous aurons le sentiment de ne pas nous réaliser et que notre emploi est purement alimentaire. Cet écart ouvre au désengagement et à la démotivation.
Ce découpage de l’environnement
professionnel nous aide à mieux comprendre les sources possibles du burnout.
C’est un premier pas vers sa prévention.
Prévention du burnout
Prévenir le burnout peut se conduire sur les trois leviers
que sont le travail lui-même, les relations sociales et nous-mêmes. Voici
quelques pistes1,6.
Changer l’organisation du travail, en réduisant la charge de travail (par exemple, en embauchant), en favorisant la prise de pauses, en rééquilibrant la balance entre la vie professionnelle et la vie personnelle (par exemple, en permettant des aménagements spéciaux), etc.
Développer des stratégies anti-burnout, c’est-à-dire se former à la gestion du temps de travail, à la résolution des conflits, développer des process plus efficaces, etc.
Chercher du soutien auprès de ses collègues et de ses proches, et leur donner notre soutien et notre confiance en retour7.
Développer des relations saines au travail, en mettant en avant la citoyenneté, la cohésion et la bienveillance8.
Adopter un mode de vie sain, afin d’être plus résistant au stress et à la fatigue.
Mieux se comprendre pour éviter de tomber dans les pièges tendus par le burnout (conflits relationnels, perte de confiance en soi, etc.).
Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive, d’autant qu’il
existe de nombreuses formations à la prévention du burnout. Elle montre
néanmoins que prévenir le burnout demande une action globale, concernant l’environnement
de travail, le travail lui-même et notre propre fonctionnement.
Conclusion
Le burnout est un phénomène complexe, mais de mieux en mieux
compris. Même s’il n’est pas encore reconnu comme une maladie à part entière,
ses conséquences n’en sont pas moins malheureuses, pour le travail bien sûr,
mais surtout pour la personne qui le subit.
Le burnout n’est pourtant pas l’affaire d’une seule personne. Il a un caractère social9, souvent négligé, mais pourtant central. Le burnout dépend du soutien que nous nous portons, des conflits que nous résolvons, ou de la reconnaissance que nous nous attribuons. Il dépend des autres, autant qu’il dépend de nous.
Références
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Par exemple : González-Morales, M. G., Peiró, J. M., Rodríguez, I., & Bliese, P. D. (2012). Perceived collective burnout: a multilevel explanation of burnout. Anxiety, Stress & Coping, 25(1), 43-61.